Le livre
à l’origine…
Au départ de Lille, mon fils Léo m’embarque pour une virée improvisée sur la côte d’opale. D’abord, direction Calais puis il me mène à Guyvelde, là-haut, tout tout au nord, à côté de la frontière belge. C’est la ville natale de mon grand-père qu’il quittera, jeune ado. Son père était docker au Havre. Ensuite direction le sud, Dunkerque, Calais, Sangatte, Escalles, Wissant, Audresselles, Ambleteuse Je découvre alors une côte merveilleuse, des plages superbes, quasiment vide, il fait encore très froid. J’ai un coup de cœur pour Escalles, le cran d’Escalles.
J’aime les road-movies, et j’avais envie de créer une histoire un peu dans ce style. Le souvenir de cette région merveilleuse, de cette longue et belle virée et me voilà de nouveau embarqué avec des personnages qui m’ont offert une belle aventure.
La photo de couverture représente la plage à Escalles. Le protagoniste doit choisir entre s’en sortir et vivre ou faire le « grand saut ».
Quatrième de couverture
Les hasards de la vie, les rencontres improbables, se côtoient dans ce roman bouleversant, poignant et contemporain. Ben, en fin de course, choisira t-il de faire le grand saut ? Des personnages attachants sauront vous surprendre. Le Grand Saut, c’est l’histoire de métamorphoses, de changements de vie, et bien plus encore.
[…]Ben attendait, non sans une certaine impatience, que Liza quitte le bâtiment. Il désirait terminer la besogne le plus rapidement possible et le temps commençait à lui sembler long. Il craignait de trop cogiter, ce qui pourrait affecter son moral et sa détermination. Il regardait sa montre régulièrement, toutes les deux ou trois minutes. Dans à peine un quart d’heure, treize minutes si Liza respecte ses habitudes, elle accompagnera la petite Lou au collège où elle enseignait le français. Tom, l’aîné, se trouvait déjà hors de la vue de Ben. Il l’avait aperçu qui disparaissait à l’angle de la rue pour se rendre au collège, le même que fréquentaient sa mère et sa sœur, à deux pâtés de maisons plus loin. Ben inspecta de nouveau sa montre : 8 h 30. « Trente minutes que je suis là. Il ne fait pas chaud, elles ne devraient plus tarder. Je crois que je devrais l’enlever avant de sauter, ce serait vraiment dommage de casser une belle montre comme ça ! Tom voudra peut-être la garder, qui sait ? Non, ça m’étonnerait beaucoup, ils préféreront plutôt la vendre. »[…]
[…]Sur la ligne d’horizon, le ciel se parait de teintes jaunes, oranges et rouges vifs. Quelques cumulus posés sur les falaises anglaises se drapaient de couleurs chaudes. Les lumières de quelques navires marchands sillonnaient la mer sur laquelle dansait le soleil couchant.
— C’est splendide, absolument merveilleux ! (Maud en avait les larmes aux yeux. Elle enleva ses chaussures et se mit à bondir, à sauter dans tous les sens, à danser sur le sable froid et trempé dans lequel elle s’enfonçait jusqu’aux chevilles.) Viens Ben ! Plus vite ! Allons jusqu’au bord de l’eau, je veux toucher la mer, je veux la sentir autour de mes jambes, je veux, je veux… C’est génial ! Plus vite Ben !
— D’accord, on fonce. Elle ne va pas tarder à remonter et il ne faudrait pas rester coincé au pied de la falaise.
— Alors, retire tes chaussures et cours ! Sois fou, Ben ! Sois fou !
Ben quitta chaussures et chaussettes qu’il laissa sur place et sentit son corps se mettre en mouvement. Il ferma les yeux et, en un instant, il percevait les sensations de son corps d’enfant qui retrouvait la mémoire d’une jeunesse perdue. Il ressentait une joie profonde, un état juvénile plongé dans une grande insouciance du moment présent. « Je suis vivant, pensait-il, vivant ! » Il se mit à courir comme autrefois, comme le jeune garçon qu’il était et qui galopait des journées entières sans éprouver de fatigue, dans un corps encore tout neuf. Maud avait déjà les pieds dans l’eau lorsqu’il arriva derrière elle.
— L’eau est gelée, lui lança-t-elle, mais que c’est bon ! Qu’est-ce que ça fait du bien !
— Oui, ça fait tellement longtemps que je n’ai pas éprouvé un tel plaisir. C’est merveilleux ! Il me semble que je n’ai besoin de rien d’autre.
Maud regardait l’horizon, puis baissa les paupières quelques instants pour s’imprégner de cet instant de bonheur.
Ben regardait Maud. Il avait envie de lui dire que c’était grâce à elle s’il lui était donné de vivre cet instant sublime. Non seulement il le vivait, mais il le partageait. La journée avait bien mal commencé pour eux deux, mais à présent, il lui semblait qu’ils étaient sauvés. Ben avait échappé à une fin terrible et radicale, mais il sentait que Maud s’extirpait elle aussi, à cet instant, d’une lente agonie ennuyeuse et morne. Ce temps mortifère, qui dure souvent l’instant bref d’une vie, guette la plupart des pauvres êtres que nous sommes sur cette Terre.
— Plus jamais, plus jamais je ne vivrai comme avant. Ben est bien mort. Oui, tu m’entends, Maud ? Tu l’as tué ! Merci ! Merci ! Merci ! Le nouveau Ben est arrivé.[…]
[…]Liza sentit son portable vibrer au fond de la poche de sa veste de laine. « François, oui, bonjour… Ça va ? Ça va, merci… Hier ? Oui, excuse-moi, je ne me sentais pas très bien, j’étais fatiguée et j’avais un petit coup de blues. Quand c’est comme ça, je préfère ne pas répondre, ce n’est drôle pour personne, tu comprends… Oui, ça y est, c’est passé, je vais beaucoup mieux. Au fait, Carole est passée me rendre visite hier… Oui, elle m’a apporté un superbe bouquet de fleurs… Eh bien, elle est restée plus d’une heure, oui, au moins. Je pense que je vais bien m’entendre avec elle… Oui, c’est une fille très gentille. Je ne la connaissais pas vraiment. Tu sais, dans le cadre du collège, on ne connaît pas vraiment les gens… Oui, t’as raison, c’est bien dommage parfois. J’ai l’intention de l’inviter de temps en temps pour me promener avec elle. Tu savais qu’elle n’avait personne dans sa vie ? Non, eh bien, elle est seule et je pense qu’elle doit vraiment s’ennuyer. Bon, tu pars ce matin chez tes parents ? Super ! Tu me téléphoneras quand tu seras arrivé ? Parfait, je te laisse, on vient me chercher pour manger. Bonne route, à bientôt ! Pardon ? Non, je n’ai pas de nouvelles, peut-être aujourd’hui. »
Cet appel avait redonné un peu de baume au cœur à Liza et elle avala son petit déjeuner avec un appétit féroce.
— On dirait que vous n’avez pas mangé depuis huit jours, plaisantait une infirmière en regardant Liza se resservir.
— C’est un peu ça, faut que je prenne des forces pour le prochain marathon.
— Madame a le sens de l’humour, pourquoi pas ! Ce serait un beau projet et un super défi. Je suis sûre que vous pouvez y arriver, on parie ?
— C’est une blague ? Attention ! Je ne suis pas genre à reculer devant l’adversité.
L’infirmière se pencha vers Liza et lui souffla gentiment : « OK, tope ! Allez, tope là ! » en présentant sa main à Liza.
— C’est sérieux ?
— Évidemment, je ne blague pas. Ai-je une tête à rigoler ? Je sais que tu peux le faire, tu as du cran et du courage. Je t’ai vue travailler sur les appareils. Bien sûr, tu ne le feras pas sur tes deux jambes. Maintenant, tes jambes, ma jolie, c’est ton fauteuil. Si tu la topes, je m’engage à le faire avec toi. Je peux t’entraîner et t’accompagner jusque sur la ligne d’arrivée. Tu choisis : ou tu te laisses pousser toute ta vie ou c’est toi qui es à la manœuvre.[…]