Les enfants de la pouillerie
PARLONS DE LIVRE
Enregistrement diffusé le 13 juin 2022
Les enfants de la pouillerieL’avant et l’après livre
Quelque temps avant la publication du livre, j’avais retrouvé la trace de « La Globe ». J’avais lancé un appel sur un groupe Facebook de la ville d’Aubervilliers. Une personne m’avait répondu en MP, elle portait le même nom de famille « Bernard » et son père s’appelait bien Christian. Elle avait également habité dans les 800 logements. C’était la fille de « La Globe ». C’est ainsi que j’ai appris, malheureusement, la disparition de Christian. J’ignorais ce que La Globe était devenu depuis nos 16 ans.
Il manquait Fred (Jean-Marc de son vrai prénom). C’est Virginie, la fille de « La Globe » qui m’a indiqué une ville, d’après les souvenirs de sa mère, où Jean-Marc pouvait encore habiter. Lui et « La Globe » étaient restés longtemps en contact. De file en aiguille j’ai retrouvé Jean-Marc, on a eu l’occasion de se remémorer nos souvenirs communs.
Jean-Marc et moi-même n’avons pas retrouvé Éric, aucune trace sur les réseaux, sur le net, rien, vraiment très dommage.
LIENS
Bidonvilles
La destruction des bidonvilles autour de Paris en 1971 | Archive INA
Quatrième de couverture
Les Enfants de la Pouillerie sont, en quelque sorte, la prose plus moderne et tangible des Misérables d’Hugo. Ils sont non seulement le reflet de l’Après-Guerre, du désastre, du chaos et de la peur ambiante, mais aussi de l’amitié et du courage. C’est mélancolique comme Balzac, c’est froid comme Zola. C’est, à n’en pas douter, le récit de jeunes dont le destin s’enchevêtre à celui d’Aubervilliers, la toute noirceur de Paris, pourtant ville lumière. Ces tranches de vie transportent le lecteur jusque dans le plus creux de la misère. Non pas dans le sens le plus commun, mais dans le sens le plus inopiné, spontané, vivant. C’est, en soi, une réalisation de ce que c’est, sans vulgarité ni fioritures. La pauvreté est un fait accompli, mais ici elle est à la fois tangible et subtile. On en ressort bouleversé. Les ombrelles s’envolent tandis que les murs se construisent, puis s’effondrent. C’est, ici, l’Aubervilliers de Jacques Prévert, celui des Gentils enfants d’Aubervilliers. L’histoire s’est fait connaître et, maintenant, elle a un nom.
Un roman bouleversant
sonia bêta lectrice
Une lecture blanche, sur les débuts d’Aubervilliers.
L’après guerre dans les 1ères citées Parisiennes.
Un reflet de la solitude, de la peur, de la pauvreté, des jeunes plein de mal-être, mais aussi de l’amitié et de l’entraide qui tout réuni nous offre un roman bouleversant.
Des moments de vie, relaté avec une certaine pudeur qui donne toute l’intensité à cette lecture.
Un très beau roman plein de réalisme
Aurore au pays des livres
Vincent a quinze ans et il quitte la cité d’Aubervilliers où il a grandi. Il tourne enfin le dos à la misère, la promiscuité, la violence.
Nous allons revenir en arrière, dans son toute jeune enfance dans les années soixante, quand sa famille va arriver dans cette cité. Des souvenirs pleins de nostalgie dans une famille qui ne roule pas sur l’or mais qui est unie et heureuse, après tout il y a tellement plus malheureux !
Pourtant ce n’est pas la cité en elle-même qui va briser l’enfance de ce petit garçon, mais un prédateur.
Vincent va continuer à grandir, vivre des aventures au quotidien avec ses amis, les prêtres qui dépensent une énergie folle à faire vivre cette cité et à apporter un peu de joie à ces jeunes. Plus travailleurs sociaux que religieux, ils sont une vraie bulle d’oxygène pour ces jeunes qui ne sortent jamais de leur « zone ».
Ce livre nous présente toute une galerie de portraits, de personnages croisés par Vincent, représentatifs d’une société qui vit quasiment repliée sur elle-même. Ce n’est pas par choix, mais parce que la vie ne leur permet pas d’aspirer à un ailleurs. Vincent, Globule, Éric et Fred vivent avec une certaine insouciance, même si ils en ont déjà beaucoup vu et vécu à leurs jeunes âges.
Car la cité ce sont des situations précaires, la manque d’argent, la violence, les caïds… C’est un véritable concentré explosif, une ville dans la ville avec ses règles, ses habitudes, ses problèmes mais aussi ses moments de joie.
Une lecture dure et réaliste, émouvante aussi, qui nous livre un portrait plein de laideur et de beauté à la fois. Ce monde clos, de misère et de violence, Vincent veut absolument en partir et s’extirper de ce cercle vicieux.
L’auteur où s’offre quelques touches de bonheur pourtant, avec l’amitié ou l’implication de belles personnes pour aider ces jeunes ou ces familles en difficulté ou en grande précarité.
Noir et poignant
Co et ses livres (Corinne)
C’est l’histoire d’une vie, celle de Vincent, dans une cité pauvre de la banlieue parisienne, la cité Emile Dubois. Celle de ses amis et d’adultes qui l’ont épaulé. C’est la violence, la misère dans une époque d’après-guerre difficile (Vincent est né en 1954), mais où l’amitié et l’entraide existent. Un livre noir, assez dur, mais aussi parfois porteur d’espoir.
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Je vais essayer d’être le plus objective possible. Parce que ce roman a des qualités, c’est indéniable, parce qu’il est poignant et émouvant mais il ne me correspond pas vraiment. Il a, ou il va, trouver son public et c’est tant mieux parce que le style est agréable.
C’est bien écrit, le décor et l’atmosphère sont plantés. Des images surgissent devant nos yeux de lecteur, d’autant plus que quelques photos sont insérées dans le livre.
C’est un « roman-documentaire » sur la vie de cette époque, une histoire dans laquelle on ressent un certain vécu. C’est la pauvreté, mais c’est aussi la rencontre avec des personnes qui savent écouter et aider.
Coup de cœur pour ce roman plein d'émotions qui nous entraîne en un autre lieu une autre époque
David caroline
Coup de cœur pour ce roman : l’auteur nous transporte dans un autre lieu, une autre époque de façon si réaliste qu’on a l’impression d’y être. Il m’a suffit de quelques pages pour être transportée à Aubervilliers durant les années 60/70 grâce à l’écriture captivante de l’auteur.
Il y a là un véritable talent dans le récit, on vit Aubervilliers à travers le personnage principal , Vincent.
Aubervilliers ce sont les premiers ‘grands ensembles’, ces immeubles que Vincent décrit comme ‘malades’ dès leur construction , ‘gangrenés’ par la suite. Pourtant il le précise, ce n’était ni mieux ni pire avant. La violence est déjà quotidienne, il suffit de sortir en bas de chez soi pour être insulté, les gangs règlent déjà leurs comptes jusqu’à la mort s’il le faut et les bidonvilles rappellent que d’autres vivent dans une précarité plus grande encore . Pourtant, malgré toute cette misère le récit ne tombe jamais dans le désespoir. À l’image de Vincent il reste toujours un peu d’espoir aux habitants de ces cités et même aux gamins des bidonvilles qui, sans même un ballon pour jouer, trouvent d’autres façons de s’amuser.
C’est magnifiquement écrit, on revit une époque, ses drames et ses douleurs à travers les yeux de Vincent, garçon sensible qui ne rêve que de vivre à la campagne comme ses grands-parents et qui garde des souvenirs impérissables souvent très durs de son enfance et du début de son adolescence. Mais c’est aussi dans la misère qu’il rencontrera des amis et des hommes qui le marqueront à jamais. Notamment des prêtres, personnages qui pourraient être presque truculents s’ils n’étaient pas aussi réalistes et attachants. Comme Pierrot qui fera découvrir à ses gamins leurs premières vacances pour certains, les fera rêver, leur ouvrira les portes des taudis d’Aubervilliers pour venir en aide aux plus démunis, leur fera rencontrer un poète breton car Pierrot c’est l’âme bretonne d’Aubervilliers, c’est un prêtre qui est au plus près des gens, dont la porte reste toujours ouverte, lui qui ne possède pourtant que peu de choses . Ces prêtres là vivaient avec les gens des cités, allaient discuter avec eux, pour certains travaillaient, n’hésitaient pas à donner le peu qu’ils avaient, leur écoute, leur bienveillance aux autres. Une confiance s’établissait. Le livre trace des portraits d’hommes et de femmes magnifiques dont, certes, aucun nom n’est gravé sur une statue mais qui se dévouaient entièrement aux autres et cela vaut bien toutes les récompenses du monde.
De la peur, un malaise mais aussi de la nostalgie ressortent de ce récit de la vie de Vincent peut-être tout simplement celle de l’auteur.
J’avoue que les mots me manquent pour dire combien j’ai aimé ce roman. Il m’a émue et j’ai refermé les pages avec regret. À découvrir de toute urgence !
Un très beau roman sur les première cités parisiennes
Olivia
Un roman empreint de vécu qui nous plonge dans la pauvreté des premières cités parisiennes. Au delà de la pauvreté et de la violence qui sont de façon diverse toujours bien présente aujourd’hui, nous voyageons avec Vincent, ses amis, les adultes qui l’ont structurés. Histoire d’une vie donc, de l’importance d’une construction d’enfant dans la vie toute entière, force de l’amitié, de la rencontre d’adultes beaux et grands, de la conscience de la misère et du besoin d’y échapper ou de la tendance à y rester plongé parce qu’on est né là… Photographie d’une époque, d’une ville, de gamins qui découvrent une certaine vie et peuvent aussi regarder ailleurs.
Très bon roman
Fanfan
L’histoire de Vincent nous fait ressentir pleinement ce que fut la vie à Aubervilliers , la cité dans le chaos , la pauvreté , la délinquance , l’émigration, mais aussi la camaraderie et l’amitié. Un livre émouvant que je recommande .
Enfants de la pouillerie
BAQUET J.
J’ai beaucoup apprécié ce roman qui a fait remonté plein de souvenirs de mon enfance dans la cité des 800 logements à Aubervilliers, j’étais camarade de classe et voisin de l’auteur Jean Marc Caron, j’ai trouvé que le texte reflétait bien cette époque pas toujours facile, dans ces quartiers peu fortunés ou la solidarité existait encore. Une belle histoire de camaraderie, je conseil fortement.
[…]Effectivement, deux trottoirs plus loin, Mémé était bien là. Elle poussait un vieux landau débordant de cartons qu’elle récupérait pour en tirer trois sous. Elle avançait très péniblement, l’échine courbée, une main qui empoignait la barre du landau, l’autre tendue, vers le sol, en quête du moindre petit morceau de cigarette. Sa vie, son domaine, c’était la rue. On ne pouvait pas la trouver ailleurs que dans la rue. Le jour où les enfants ne la verraient plus, ils comprendraient que son heure aurait sonné. Comme à son habitude, elle interpella les enfants qu’elle connaissait bien.
— Hé, mes p’tites gueules, z’auriez pas un clop’ pour Mémé ?
— Tu sais bien qu’on t’oublie pas. Je t’en file deux, mais arrête de piquer ces saloperies par terre, insista la Globe.
— Hum, faut bien crever ma gueule et c’est pas ça qu’aura ma peau !
Elle avait déjà une gauldo suspendue aux lèvres brûlées, desséchées et marron, qui attendait du feu. La Globe lui craqua une allumette.
— Où tu vas, Mémé ?
— J’vais prendre un p’tit canon chez Renée, pis j’repars aux cartons et aux chiffons.[…]
[…]Pierrot habitait à deux pâtés de maisons, au 26 rue du Buisson, église Saint-Paul du Montfort. C’était un Breton, un vrai. Il tirait sur une vieille bouffarde à longueur de journée, qu’il n’arrêtait pas de bourrer de Bergerac ou de Gris, parfois d’Amsterdamer. Il aspirait quelques bouffées, le tabac s’éteignait et il rallumait sa pipe aussitôt. Il en possédait plusieurs, par précaution, sans toutefois en faire collection. Il portait également un collier de barbe grisonnant, tendance blanchâtre, qui lui donnait un air de vieux matelot. Dépourvu de moustache, cela lui évitait de posséder une épaisseur de poils jaunis et brûlés qui auraient recouvert sa lèvre supérieure. Il était vraiment le stéréotype du parfait marin, ceux que l’on pourrait croiser sur n’importe quel port breton. Ses yeux se perdaient derrière un épais manteau de brouillard, bleutés et embués de nicotine. Pierrot semblait venir d’un autre monde. Il n’avait pas grand-chose d’un curé, mais ce n’était pas non plus un personnage haut en couleur. Il parlait bas, il savait être discret. Il avait un peu l’âme d’un paysan avec un pied dans la terre et l’autre dans la mer. Breton, assurément, il l’était et le revendiquait fièrement. Grâce à Pierrot, les gamins avaient découvert l’âme bretonne. Pierrot était un ami fidèle de Glenmor, un vieux copain d’enfance. Glenmor, poète et chanteur breton engagé, était la fierté de Pierrot. Pourtant, Glenmor ne chantait pas à la gloire du clergé. Pierrot possédait, bien sûr, les disques de Glenmor. Il en usait les sillons sur un vieux tourne-disque pourri qui tournait et retournait plusieurs fois par jour, encore et encore. Que serait devenu Pierrot sans ce tourne-disque, sans Glenmor ? Il aurait sans doute été très malheureux. Pierrot était le prêtre préféré de Vincent. Hé oui, c’était un cureton ! Non pas qu’il n’aimait pas Olivier et Bernard, « Nanard » pour les copains, mais, à l’inverse de Nanard, Pierrot ne travaillait pas. Du moins, pas en usine : il n’était pas prêtre ouvrier. Il s’occupait surtout des jeunes avec qui il passait la plus grande partie de ses journées.[…]
[…]Les enfants descendirent de la voiture tandis qu’Olivier avançait lentement le véhicule jusqu’à l’entrée des baraques. Un môme s’amusait, seul, au bord du canal. Tristement, il jetait dans l’eau crasseuse des cailloux un par un. Une lassitude écrasante et envoûtante à la fois, un regard sans lendemain, sans espérance, témoignait inconsciemment, innocemment que le monde avait abandonné tous ces miséreux. D’autres, au contraire, jouaient comme tous les enfants de leur âge. Ils semblaient défier la misère, s’en moquaient éperdument, ils couraient et s’amusaient avec des objets de fortune, parfois un pneu, une vieille roue de vélo ou une vieille caisse de bois qu’ils avaient transformé en chariot. Le moindre objet qu’ils récupéraient pouvait convenir à leur imagination débordante. Une boue épaisse et noire envahissait l’accès aux baraques et les enfants pataugeaient dedans sans souci. Quelques planches posées sur des parpaings évitaient de marcher en s’engluant dans le sol. Des passages très étroits s’enfilaient à travers les baraques. Si l’insouciance des enfants pouvait surprendre, il n’en demeurait pas moins que les conditions sanitaires étaient plus que déplorables : elles étaient nulles. Pour décrire la misère, il faudrait décrire l’absence, l’absence d’eau courante ; un robinet, un seul robinet, un simple tuyau à même le sol, unique pour toutes les familles, des centaines. Absence d’électricité, d’hygiène : les détritus sont partout, ils jonchent le sol et macèrent dans un marécage de putréfaction. Les rats sont une menace : leurs morsures sont redoutées. L’hiver, les poêles à bois étaient garnis à fond. Ils surchauffaient pour lutter contre le froid qui pénétrait les taudis. Les incendies ou les asphyxies sont des dangers qui planent quotidiennement. Les inondations étaient fréquentes, les pluies abondantes transformaient les camps en bourbier. La plupart des baraques sont couvertes de tôles, posées parfois sur des parpaings montés les uns sur les autres, sans mortier. Sur les tôles sont posées de grosses pierres pour éviter qu’elles ne s’envolent au moindre coup de vent et ne mettent la baraque à nue. De plus, des tôles qui s’envoleraient représenteraient un danger supplémentaire, mais les murs de parpaings sont rares et les tôles posées debout forment majoritairement, avec des planches, des séparations qui servent de cloisonnement. Ces baraques sont quasiment toutes collées les unes aux autres. Des morceaux de palette, des chiffons, des cartons, colmatent de faibles ouvertures, parfois, des longueurs de ferrailles renforcent la pauvre structure. Souvent, une simple couverture est dressée en guise de porte, parfois des morceaux de plastique tendus comme des rideaux coupent les courants d’air. Tout le monde ou presque connaissait les bidonvilles et savait bien qu’ils étaient synonymes de misère, Olivier et les enfants aussi ; mais ce jour-là, pour les gamins, c’était très différent et ce qu’ils pensaient des bidonvilles volait en éclats. Des femmes chargées de seaux, de jerricanes, de bouteilles ou de grandes bassines se dirigeaient vers l’unique point d’eau du camp ; d’autres en revenaient, chargées du précieux liquide. Vincent aperçut quelques femmes à proximité du point d’eau : elles étaient courbées, chacune au-dessus d’une bassine. Elles frottaient énergiquement le linge de la famille. D’autres, plus nombreuses, lavaient leur linge en contrebas d’un grand mur, directement dans l’eau du canal. Les pieds trempés dans l’eau et la boue, les mains plongées dans l’eau glacée et mal vêtues, ces femmes forçaient des sentiments inexplicables. Vincent restait muet : parfois, les mots ne suffisent plus à exprimer les émotions.[…]